mercredi 9 octobre 2013

C’est comme la confiture…

Grand Amour aime la photo.
Grand Amour fait de la photo.
De la belle photo (à un niveau amateur bien entendu… j’ai un peu honte de dire ça vu la qualité médiocre des photos de mes bits+pieces...)

Grand Amour était pas mal impliqué dans le photo-club de notre bourgade en région lyonnaise.
Quand nous avons déménagé à Cambrousse-la-Ville, 2500 habitants, nous avons gardé nos petites habitudes sociales et avons donc noté consciencieusement la date du prochain « forum des associations » comme on dit dans les campagnes. Un genre de grand barnum où toutes les assoces du coin viennent faire leur pub et engranger des inscriptions.
On a un peu déchanté quand on a réalisé qu’un quart seulement du gymnase était rempli par les stands. Nous avons néanmoins été très agréablement surpris par la diversité et la qualité des activités proposées, même si… point de photo-club à l’horizon.

En faisant 2/3 courses au supermarché du coin quelques jours plus tard, j’étais en transe à la vue d’une affiche (les caissières m’ont prise pour une cinglée quand j’ai dégainé mon iphone pour la prendre en photo !)
L’office du tourisme du village d’à côté organisait un concours photo amateur ! 2 thèmes au choix, 3 photos par thème, une expo à l’office du tourisme pendant un mois.
De quoi redonner le sourire à mon photographe de mari.

Quelques semaines plus tard, nous voilà à l’inauguration de l’expo photo, le week-end dernier.
De quoi organiser une petite sortie en famille pour « aller voir les photos de Papa » et rencontrer du monde au vernissage.
Nous entrons dans l’office de tourisme, il y a déjà beaucoup de monde. L’expo se tient au 3ème et dernier étage, je suis soulagée que la Groseille se débrouille toute seule avec les escaliers maintenant, même si elle monte à 2 à l’heure et que ça fait râler les impatients.
On arrive enfin sur le plateau d’exposition, il fait une chaleur étouffante.
On démarre un premier tour de l’expo. On doit slalomer pas mal car des groupes de gens papotent devant les photos sans les regarder et ne se poussent pas d’un centimètre. Un écran de projection est posé au milieu de la pièce et cache une partie des photos accrochées au mur. Je trouve ça franchement dommage au premier abord, puis ça me pince le cœur quand je réalise que 2 des 3 photos de Grand Amour se trouvent derrière… Je repense au soin qu’il a eu à choisir ses clichés, à la soirée entière qu’il a passé à faire ses passe-partout…

Les filles sont sages, enfin surtout la Framboise qui regarde chaque photo avec un air concentré… la Groseille a vite décroché.
On tourne un bon quart d’heure, on commente les cadres, on pouffe devant certaines légendes, on s’interroge sur les hors-sujets.
La Groseille s’impatiente. Je lance un « allez, on va chercher un papier pour voter pour Papa exclusivement et on y va ».

C’était sans compter sur le traquenard de Robert….

On traverse la pièce pour prendre un bulletin de vote posé sur une table à l’opposé de la sortie.
Le noir se fait dans la pièce.
D’un coup, sans prévenir.

Robert prend le micro.
« Mesdames et messieurs, je vais dire quelques mots avant le verre de l’amitié »…

Zut, il fait noir, j’ai pas noté les numéros de photos de Grand Amour, qui sont de l’autre côté la pièce- derrière l’écran près duquel est planté Robert.
Les gens s’attroupent, la sortie est bloquée.
On est coincés.
Je ne panique pas, Robert aura vite soif, dans 10 minutes on est sortis, pensé-je.
 
Et là, Robert attaque son discours.
Il s’enflamme.
Il a oublié où il était (dans un village à côté de Cambrousse la Ville), et nous la fait façon vernissage sur les Champs Elysées.
Il enchaîne passionnément sur les thèmes de l’expo. Il a fait un tour sur Wikipédia, sans aucun doute possible. Je me mors les joues pour ne pas pouffer quand il nous liste tous les proverbes en rapport avec le thème. C’est bon, Robert, passe à la suite, aux remerciements des participants par exemple.
Mais non, il continue.
Et il lance le rétroprojecteur. J’ai pensé qu’il allait projeter les photos reçues pour le concours.
Mais non. Il a bien fait ses devoirs sur internet, alors il nous projette SA sélection perso de photos sur les thèmes du concours.
Google power.
Je suis encore plus dégoutée que l’écran cache les photos des participants.

Les 10 minutes sont passées, je commence à trouver le temps long et je ne suis pas la seule. La Framboise couine qu’elle ne voit rien (moi non plus), la Groseille veut se faufiler entre les jambes des spectateurs.
On finit chacun avec un p’tit fruit sur les épaules pour les contenir. J’ai chaud, j’ai envie que Robert termine vite son speech.
Il enchaîne enfin sur les remerciements…. aux « officiels » présents… et il attaque la liste des excusés absents… hum hum.
J’ouvre la fenêtre pour me jeter à travers pour avoir un peu d’air, la chaleur est intenable.
Allez, plus que 2 minutes et le calvaire se termine.

Mais non, il enchaîne : « je voudrais profiter de l’occasion pour remercier 3 membres du conseil d’administration de l’office du tourisme qui nous quittent cette année pour partir à la retraite… »
C’est là que j’ai compris que cette petite sortie familiale avait définitivement sauté par-dessus le requin.

C’en suit 30 minutes supplémentaires de discours, avec une allocution personnalisée pour chacun des 3 compères « Janine, on te doit de nombreux prospectus sur le canton », « Denise, j’ai toujours apprécié les décos « flash » que tu confectionnais pour la vitrine » « Paulo, tu as toujours le bon mot pour attirer les foules »…
Certains chanceux près de l’escalier fuient regagnent la sortie.
La Groseille a commencé à parler fort, difficile de lui faire « chuuut » en continu pendant 40 minutes. Je les ai laissées dessiner sur les bulletins de vote, et je crois même que la Groseille a dessiné sur la nappe en papier aussi (mais j’en suis pas sûre, rapport à la pénombre)
Certaines fans de Robert ont lancé un « mais c’est quoi ce bruit ? » « ce sont les enfants, là… » « ah mais y’a des enfants ? ».
Et pourquoi il n’y aurait pas d’enfants ? Les expos photos à Cambrousse-la-Ville ne peuvent pas attirer un public familial ?
Il est vrai que je me suis demandée ce qu’on faisait là mais oups, c’est la faute de Denise qui n’a pas précisé sur le prospectus que c’était un pot de départ en guise de vernissage.
Ou celle de Denise, qui a fait une déco trop attractive.
J’ai fait mon regard-mitraillette et ignoré du mieux que j’ai pu.

Secrètement, je n’avais qu’une envie, c’est que la Framboise nous gratifie d’un de ces moments de honte parentale intersidérale en hurlant haut et fort « je veux faire cacaaaa »…. Au moins, l’attroupement inamovible se serait écarté. Mais non, elle a gardé ça en stock pour la prochaine fois qu’on ira au restau avec mon père (qui a tellement apprécié la dernière fois….)

Quand la lumière s’est enfin rallumée, on était rincés.

L’attroupement s’est déplacé vers le buffet. J’ai traversé la pièce sans ménagement pour noter les numéros de photos de Grand-Amour. Robert a failli m’assommer en décrochant son écran de projection « parce qu’il faut bien qu’on voit les photos ma p’tite dame ! »

Ah oui, les photos… on les aurait presque oubliées celles-là, après 45 minutes de discours dans le noir et une chaleur écrasante, sans possibilité de s’éclipser… et surtout un discours sans même un remerciement aux artistes qui les ont prises….

Ah oui, les photos.
 
On est partis sans boire le verre de l’amitié.

1 commentaire:

  1. Post génial ;-) Cela me fait plaisir d'avoir retrouvé une connexion Internet :-)

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