mardi 22 janvier 2013

Depuis...

Aujourd'hui, c'est son anniversaire. Je me rappelle...

Sa robe de chambre bleue.
Son parfum.
Ses cheveux qui frôlent mon visage pour le bisou du matin.
Les déjeuners ensoleillés le mercredi midi, en tête à tête.
Ses bons petits plats, le riz au lait, les saucisses au chou, le gâteau du dimanche, les lasagnes, les crêpes au goût inégalé malgré toutes celles que j'ai pu manger depuis.
Les trajets à pied pour aller à l'école.
Le bruit de sa machine à coudre sur la table de la cuisine.
Les fous rires qu'elle prenait pendant la vaisselle, sans que l'on sache pourquoi ou comment...
Les kilomètres à pied parcourus entre le cours de solfège de l'un et le cours de gym de l'autre.
La pomme et l'orange qu'elle mangeait tous les midis ou presque.
Ses mains.

C'est ce qui me reste de Maman.

Depuis, rien n'est pareil.
Le handicap, et tout ce qui va avec.
Celle qu'elle est devenue remplace celle qu'elle était.

Ce qui est revenu, à force de rééducation (le prénom de ses enfants, quelques souvenirs décousus, la marche, une certaine forme d'expression...).
Ce qui ne reviendra jamais (l'usage de son bras, le langage fluide, lire, compter...)
Ce qu'on a perdu mais qu'on n'ose pas mettre sur le bilan.
Ce qu'on a gagné.
Du temps en plus. Et de nouvelles facettes.
Son impatience, son exigence. Ses colères noires quand on ne comprend pas ce qu'elle nous demande.
Sa dépression, sa détresse, la nôtre, quand elle nous glisse qu'elle aurait préféré mourir.
Notre impuissance et nos regrets.
Ce regret éternel de la jeune étudiante que j'étais, encore insouciante ce vendredi là. J'avais envie de lui parler, de l'appeler entre 2 cours. Cette p*tain de petite voix :"économise ton forfait téléphonique, Maman t'appelle toujours le samedi, tu lui parleras demain". Elle n'a pas appelé, elle n'appellera plus.
Savourer chaque moment qu'elle partage avec nous en se rappelant qu'elle aurait pu ne pas être là. Nos mariages, ses petits-enfants.
Avoir honte de faire le deuil de sa mère alors qu'elle s'est battue pour rester.

Et je n'ose plus fêter son anniversaire de la même façon, sans penser à cet autre anniversaire d'octobre, ce terrible anniversaire d'octobre... comme la naissance de ma seconde Maman.Et à chaque anniversaire, je creuse un peu plus profondément dans ma mémoire pour garder une trace de la première, la vraie.
Et 13 ans après, cette honte qui ne me quitte toujours pas.

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