Grand Amour fait de la photo.
De la belle photo (à un niveau amateur bien
entendu… j’ai un peu honte de dire ça vu la qualité médiocre des photos de mes
bits+pieces...)
Grand Amour était pas mal impliqué dans le
photo-club de notre bourgade en région lyonnaise.
Quand nous avons déménagé à
Cambrousse-la-Ville, 2500 habitants, nous avons gardé nos petites habitudes
sociales et avons donc noté consciencieusement la date du prochain « forum
des associations » comme on dit dans les campagnes. Un genre de grand
barnum où toutes les assoces du coin viennent faire leur pub et engranger des
inscriptions.
On a un peu déchanté quand on a réalisé qu’un
quart seulement du gymnase était rempli par les stands. Nous avons néanmoins
été très agréablement surpris par la diversité et la qualité des activités
proposées, même si… point de photo-club à l’horizon.
En faisant 2/3 courses au supermarché du coin
quelques jours plus tard, j’étais en transe à la vue d’une affiche (les
caissières m’ont prise pour une cinglée quand j’ai dégainé mon iphone pour la
prendre en photo !)
L’office du tourisme du village d’à côté
organisait un concours photo amateur ! 2 thèmes au choix, 3 photos par
thème, une expo à l’office du tourisme pendant un mois.De quoi redonner le sourire à mon photographe de mari.
Quelques semaines plus tard, nous voilà à
l’inauguration de l’expo photo, le week-end dernier.
De quoi organiser une petite sortie en famille
pour « aller voir les photos de Papa » et rencontrer du monde au
vernissage.
Nous entrons dans l’office de tourisme, il y a
déjà beaucoup de monde. L’expo se tient au 3ème et dernier étage, je
suis soulagée que la Groseille se débrouille toute seule avec les escaliers
maintenant, même si elle monte à 2 à l’heure et que ça fait râler les
impatients.
On arrive enfin sur le plateau d’exposition, il
fait une chaleur étouffante.On démarre un premier tour de l’expo. On doit slalomer pas mal car des groupes de gens papotent devant les photos sans les regarder et ne se poussent pas d’un centimètre. Un écran de projection est posé au milieu de la pièce et cache une partie des photos accrochées au mur. Je trouve ça franchement dommage au premier abord, puis ça me pince le cœur quand je réalise que 2 des 3 photos de Grand Amour se trouvent derrière… Je repense au soin qu’il a eu à choisir ses clichés, à la soirée entière qu’il a passé à faire ses passe-partout…
Les filles sont sages, enfin surtout la
Framboise qui regarde chaque photo avec un air concentré… la Groseille a vite
décroché.
On tourne un bon quart d’heure, on commente les
cadres, on pouffe devant certaines légendes, on s’interroge sur les
hors-sujets.
La Groseille s’impatiente. Je lance un
« allez, on va chercher un papier pour voter pour Papa exclusivement et on
y va ».
C’était sans compter sur le traquenard de
Robert….
On traverse la pièce pour prendre un bulletin
de vote posé sur une table à l’opposé de la sortie.
Le noir se fait dans la pièce.
D’un coup, sans prévenir.
Robert prend le micro.
« Mesdames et messieurs, je vais dire
quelques mots avant le verre de l’amitié »…
Zut, il fait noir, j’ai pas noté les numéros de
photos de Grand Amour, qui sont de l’autre côté la pièce- derrière l’écran près
duquel est planté Robert.
Les gens s’attroupent, la sortie est bloquée.
On est coincés.
Je ne panique pas, Robert aura vite soif, dans
10 minutes on est sortis, pensé-je.
Et là, Robert attaque son discours.
Il s’enflamme.
Il a oublié où il était (dans un village à côté
de Cambrousse la Ville), et nous la fait façon vernissage sur les Champs
Elysées.
Il enchaîne passionnément sur les thèmes de
l’expo. Il a fait un tour sur Wikipédia, sans aucun doute possible. Je me mors
les joues pour ne pas pouffer quand il nous liste tous les proverbes en rapport
avec le thème. C’est bon, Robert, passe à la suite, aux remerciements des
participants par exemple.
Mais non, il continue.
Et il lance le rétroprojecteur. J’ai pensé
qu’il allait projeter les photos reçues pour le concours.
Mais non. Il a bien fait ses devoirs sur
internet, alors il nous projette SA sélection perso de photos sur les
thèmes du concours.
Google power. Je suis encore plus dégoutée que l’écran cache les photos des participants.
Les 10 minutes sont passées, je commence à
trouver le temps long et je ne suis pas la seule. La Framboise couine qu’elle
ne voit rien (moi non plus), la Groseille veut se faufiler entre les jambes des
spectateurs.
On finit chacun avec un p’tit fruit sur les
épaules pour les contenir. J’ai chaud, j’ai envie que Robert termine vite son
speech.
Il enchaîne enfin sur les remerciements…. aux
« officiels » présents… et il attaque la liste des excusés absents… hum hum.
J’ouvre la fenêtre pour me jeter à travers pour avoir un
peu d’air, la chaleur est intenable.
Allez, plus que 2 minutes et le calvaire se
termine.
Mais non, il enchaîne : « je voudrais
profiter de l’occasion pour remercier 3 membres du conseil d’administration de
l’office du tourisme qui nous quittent cette année pour partir à la
retraite… »
C’est là que j’ai compris que cette petite
sortie familiale avait définitivement sauté par-dessus le requin.
C’en suit 30 minutes supplémentaires de
discours, avec une allocution personnalisée pour chacun des 3 compères
« Janine, on te doit de nombreux prospectus sur le canton »,
« Denise, j’ai toujours apprécié les décos « flash » que tu
confectionnais pour la vitrine » « Paulo, tu as toujours le bon mot
pour attirer les foules »…
Certains chanceux près de l’escalier La Groseille a commencé à parler fort, difficile de lui faire « chuuut » en continu pendant 40 minutes. Je les ai laissées dessiner sur les bulletins de vote, et je crois même que la Groseille a dessiné sur la nappe en papier aussi (mais j’en suis pas sûre, rapport à la pénombre)
Certaines fans de Robert ont lancé un
« mais c’est quoi ce bruit ? » « ce sont les enfants,
là… » « ah mais y’a des enfants ? ».
Et pourquoi il n’y aurait pas d’enfants ? Les
expos photos à Cambrousse-la-Ville ne peuvent pas attirer un public familial ?
Il est vrai que je me suis demandée ce qu’on
faisait là mais oups, c’est la faute de Denise qui n’a pas précisé sur le
prospectus que c’était un pot de départ en guise de vernissage. Ou celle de Denise, qui a fait une déco trop attractive.
J’ai fait mon regard-mitraillette et ignoré du mieux que j’ai pu.
Secrètement, je n’avais qu’une envie, c’est que
la Framboise nous gratifie d’un de ces moments de honte parentale intersidérale
en hurlant haut et fort « je veux faire cacaaaa »…. Au moins,
l’attroupement inamovible se serait écarté. Mais non, elle a gardé ça en stock
pour la prochaine fois qu’on ira au restau avec mon père (qui a tellement
apprécié la dernière fois….)
Quand la lumière s’est enfin rallumée, on était
rincés.
L’attroupement s’est déplacé vers le buffet.
J’ai traversé la pièce sans ménagement pour noter les numéros de photos de
Grand-Amour. Robert a failli m’assommer en décrochant son écran de projection
« parce qu’il faut bien qu’on voit les photos ma p’tite dame ! »
Ah oui, les photos… on les aurait presque
oubliées celles-là, après 45 minutes de discours dans le noir et une chaleur
écrasante, sans possibilité de s’éclipser… et surtout un discours sans même un
remerciement aux artistes qui les ont prises….
Ah oui, les photos.
On est partis sans boire le verre de l’amitié.
Post génial ;-) Cela me fait plaisir d'avoir retrouvé une connexion Internet :-)
RépondreSupprimer